Récit de Myriam

La particularité d’être victime d’une communauté nouvelle, comme la communauté catholique des Béatitudes, c’est que l’on peut être victime sur plusieurs plans :

-           J’ai été victime d’abord en tant que personne, dans mon individualité, ce qui est toujours le cas dans les dérives ecclésiales.

-          Victime en tant que femme.  

-          Victime en tant qu’épouse, dans mon couple

-          Victime en tant que mère dans ma famille. 

Ce sont les particularités d’une communauté qui intègre des familles, pour soi-disant vivre « comme les premiers chrétiens ». Ce sont des traumatismes qui s’ajoutent. C’est particulièrement sordide et pathétique dans une église qui met en valeur la vie de famille ; parce qu’il faut des parents chrétiens pour avoir des enfants chrétiens, qui s’investiront après dans la vie de l’église. C’est aussi ce qui est inadmissible : comment cette église a-t-elle pu laisser des familles se faire piéger et détruire en son sein, alors même qu’elle en a besoin ? C’est comme scier la branche sur laquelle elle repose ! Les prêtres, les religieux et religieuse n’ayant pas d’enfants pour poursuivre leur lignée, il faut bien des familles pour le faire ! 

Je suis entrée à la communauté des Béatitudes dans la maison de Château Saint Luc dans le Tarn en octobre 1999. J’étais mariée depuis septembre 1997 et notre petite fille avait 16 mois. Nous avons quitté Hendaye au Pays basque, notre travail et nous nous sommes éloignés de nos familles. Notre couple a été séduit par l’enseignement du psychospirituel qui avait lieu dans la maison de Château St Luc. Le psychospirituel était présenté comme une « thérapie » mélangeant habillement des théories psychologiques avec des éléments de spiritualité, dans le but de guérir les personnes de leurs diverses « blessures d’amour ». Notre recherche en tant que couple et en tant que personne, était de trouver des « sages » qui nous auraient guidées et aidé à progresser spirituellement, de pratiquer la « guérison psychospirituelle » pour aider les autres (je suis infirmière de formation) ainsi que de vivre une vie radicale pour suivre le Christ, pour se donner à Dieu et aux autres. J’étais, nous étions, très idéalistes dans notre vision de la vie et la communauté, qui se présentait comme parfaitement idéale, « un don de Dieu* » pour nous, semblait répondre à cette attente. Ce devait être un lieu où vivre la pauvreté, la chasteté (selon sont état de vie) et l’obéissance de manière radicale, comme les premiers chrétiens, une vie soi-disant « monastique » et soi-disant adaptée aux familles.

J’avoue avoir fait confiance, parce que cette communauté était catholique, parce qu’elle était reconnue par l’église, par des évêques qui venait régulièrement, dans les différentes maisons, mais aussi dans les grands rassemblements comme : Lourdes, Lisieux… Et ne sommes-nous pas allés à Rome en aout 2000 dans la basilique Saint Pierre, à l’audience du pape le mercredi, et dans les autres Basiliques avec différents cardinaux ? La communauté n’intervenait-elle pas aussi dans la paroisse locale, où elle semblait intégrée au système ecclésial ?

Séduction et confiance, dans la parole des responsables qui nous ont accueillis les bras ouverts, avec des communautaires ravis qu’une famille les rejoigne. Mais la vie « si spirituelle » auquel je pensais adhérer, n’était en fait basée que sur le renoncement. Pour atteindre le but proposé il fallait « renoncer à soi-même, à sa volonté propre. Parce qu’être soi, c’est ne pas être entièrement gouverné par l’Esprit Saint, par le Christ lui-même, c’est ne pas être totalement dépendant de Dieu. Or il faut que Dieu seul agisse à travers soi ».

Et le problème de cette vision spirituelle, c’est la façon concrète dont nous vivions, dont je vivais au quotidien pour atteindre ce but finalement inatteignable : pourquoi Dieu m’a créé moi, si pour qu’il agisse à travers moi, je dois détruire ma propre volonté, renoncer à mon esprit critique, à qui je suis dans ma singularité ? Renoncer à ma volonté, mais alors avec quelle volonté si je n’en ai plus ? Et en tant qu’épouse, si je n’ai plus de volonté comment aimer volontairement mon époux ? Mes enfants ?

La vie quotidienne est d’abord une vie de type « monastique » avec des journées très remplies : entre les divers offices qui ponctuent la journée, les temps de prière personnel obligatoire, la formation, les temps de travail, les différents services (la vaisselle, entre autres, pour de 25 à 80 personnes, sans machine à laver), les repas pris en communauté, la vie de couple et de famille est très réduite. Nous avions quatre repas du soir (du dimanche au mercredi soir), les petits déjeuner, le dimanche matin avant la messe et rarement le dimanche après-midi pour être en famille, tout le reste était vécu avec les autres communautaires. Pour les enfants, tant qu’ils sont petits ça passe à peu près, beaucoup moins à l’adolescence, selon ce que j’ai pu voir et entendre. Pour la vie de couple, elle est irrémédiablement atteinte par ce système qui permet très, trop peu d’intimité. Et puis la fatigue liée a se rythme très prenant, et seulement trois semaines de « vacances familiales » dans l’année pour se retrouver, qui pour s’étonner du nombre de divorces post-communautaire ? Par ailleurs peu de contact avec sa famille : ses parents, ses frères/sœurs et amis. J’ai été empêché d’aller au baptême de mon neveu, car la communauté était « ma vrai famille** » ?!!! Ah si on avait retraite de couple de quelques jours par an…

Si je ne mets rien sur ma vie de femme, c’est parce qu’elle n’existait plus. Je n’étais plus qu’une communautaire avec enfants et mariée. Dans cet ordre.

Prenons maintenant les différents « vœux » communautaires comme l’engagement à la pauvreté. Qui est un engagement à renoncer à tous ses biens, a ses économies, accepter de ne vivre que de don. Ce qui veut dire renoncer à une alimentation saine, car nous n’avions pratiquement que des produits périmés voire carrément avariés. Quand j’étais enceinte ou pour les enfants j’utilisais le reste de mes deniers pour acheter à manger, alors que mon conjoint travaillait au secrétariat au profit de cette communauté. Cela veut dire aussi avoir froid l’hiver (14 degrés dans notre appartement et dans la chambre de ma fille). Verser la dîme sur nos revenus (principalement de la CAF) sur les dons en argent de nos familles. Travailler sans sécurité sociale, ni mutuelle, ni retraite, alors que la maison où nous étions avait un bénéfice venu des formations et différentes cessions qu’elle organisait et pour lesquelles nous avons travaillons au secrétariat et même à la cuisine pour moi. La pauvreté étant surtout entendu pour les personnes et pas pour l’institution communautaire. Elle qui faisait refaire son parc par un paysagiste, quand nous avions froid, ou qui achetait de magnifiques icônes écrites dans un monastère orthodoxe, pendant que nous mangions mal. Vivre la pauvreté en tant que famille cela veut dire être vulnérable. Vulnérable au niveau matériel, en piochant dans nos économies pour nos vêtements, les fournitures pour les enfants (couches, école…), pour nos rares vacances, pour notre voiture dont l’entretien, l’assurance et les pleins étaient à notre charge. N’’étant pas engagés définitivement dans la communauté nous devions assurer notre indépendance à nos frais, alors que nous n’avions aucun salaire et que nous travaillons pour eux ! Vulnérable financièrement, parce que ces fameuses économies d’environ 10 000€ étaient réduites à néant au bout de trois ans de cette vie. Mais ce qui nous paraissait raisonnable à notre entrée : avoir de quoi faire face si ce n’était pas notre « vocation », était devenu complètement ridicule pour nous en y vivant, car Dieu à qui nous donnions notre vie « pourvoirait » à tous nos besoins !!! La simple prudence devenant inutile car nous vivions  « l’abandon à la providence ». Ce qui fait que quand nous avons quitté la communauté nous n’avions plus rien pour faire face, avec deux enfants en bas âge.

 

*Citation extraite du livret de formation communautaire

**Phrase dite véritablement par la responsable !

Voici le premier texte que vos visiteurs vont voir en arrivant sur votre site web. Décrivez ici votre projet à l’aide d’une phrase courte ou d’un slogan.
A suivre...